1.2 - Gestion du site de nidification de la guifette moustac
Jacques TROTIGNON
Réserve Ornithologique de la Gabrière
36220 TOURNON SAINT MARTIN
Etangs de la brenne
Le problème posé
Les guifeHes moustacs construisent leur nid sur la végétation flottante des étangs (nénuphars, renouées, renoncules, etc ... ). Or celle-ci est fréquemment supprimée par les pisciculteurs, avec pour conséquence la destruction des colonies de ces oiseaux.
Milieu naturel et humain
Le cas décrit concerne les étangs de la Brenne (Indre), qui accueillent en règle générale la moitié de la population française de guifettes moustacs, soit 300 à 800 couples selon les années. Avec le développement de la pisciculture de la carpe depuis 6 ans, les pisciculteurs s'efforcent de réduire au maximum la végétation aquatique flottante, immergée et émergée, ce qui compromet gravement les possibilités de reproduction des guifettes (et autres espèces tels les grèbes à cou noir et les canards).
Les moyens employés traditionnellement sont le faucardage en juin-juillet (soit en pleine période de nidification : l'installation des guifettes se produit entre le début du mois de mai et la mi-juillet) et, depuis peu, l'épandage d'herbicides. Une sensibilisation des exploitants d'étangs est tentée afin de sauver les sites de nidification traditionnels des oiseaux.
Opportunité du site par rapport à l'obiectif
L'opération de protection s'applique à tous les étangs où nichent des guifettes, et particulièrementà ceux où se fixent des colonies régulières, dès lors que l'on soupçonne une intervention préjudiciable aux oiseaux. Sont pris en compte également les colonies de grèbes à cou noir, qui s'associent fréquement aux guifettes pour nicher. la guifette noire, beaucoup plus rare, est également concernée.
Méthode retenue
Cas d'un massif de nénuphars (ou de renouées amphibies) accueillant une colonie mixte (ou mono-spécifique) de guifeHes moustacs et de grèbes à cou noir.
1. Les oiseaux nicheurs, dans de telles colonies, n'occupent pas la nappe de végétation de façon uniforme; bien au contraire, les nids sont regroupés çà et là en "villages", ménageant entre eux des espaces vides (voir illustration page 8). Si l'on souhaite réduire l'extension de la végétation, il estdonc possible d'opérer en épargnant les emplacements occupés par les oiseaux. Dans tous les cas, le faucardage est le moyen le plus approprié (inutile d'évoquer, bien entendu, le recours aux herbicides dont l'emploi est catastrophique pour la flore aussi bien que pour la faune sauvage des étangs).
2. Lors du faucardage, on prendra bien soin des nids de grèbes à cou noir, confectionnés à l'aide de plantes aquatiques plus ou moins pourrissantes et amarrées à la végétation environnante.
3. En effet, lorsqu'il est effrayé (par le passage du bateau notamment), l'oiseau couveur se hâte de recouvrir ses oeufs avec une partie des matériaux qui composent son nid, avant de prendre la fuite.
4. De la sorte, après cette opération, le nid présente l'aspect d'une simple motte flottant en surface, que l'on prend garde d'éviter en manoeuvrant le bateau !
5. Pour cette raison, et afin également de contourner soigneusement les groupes de nids des guifettes, le recours à un guide placé à l'avant du bateau faucardeur est vivement souhaitable. L'effarouchement provoqué chez les oiseaux reste de toute façon de courte durée et, une fois le bateau éloigné, les nids sont rapidement réoccupés.
6. Un côté bénéfique du faucardage : il fournit aux grèbes et aux guifettes des matériaux de construction pour leurs nids.
Moyens mis en oeuvre
* Il s'agit dans un premier temps de contacter le propriétaire ou l'exploitant d'étang pour le persuader du bien-fondé de la démarche de protection et de sa facilité de réalisation. On soulignera l'absence de tout préjudice économique et l'on insistera sur les effets induits positifs pour le gibier (les secteurs à végétation flottante et immergée constituent des zones d'abri et d'alimentation pour les canards) ... et le poisson!
* Dans un second temps, il convient simplement de prendre rendezvous avec la personne chargée du faucardage de l'étang, puis de guider les déplacements du bateau faucardeur de façon à éviter les nids d'oiseaux.
Résultats obtenus
La méthode préconisée s'avère en règle générale très positive et, sauf exception, ne cause pas de dommages aux guifettes ou aux grèbes à cou noir. En cas d'intervention tardive, cependant, les poussins s'affolent au passage du bateau, quittent le nid et risquent de périr (prédateurs, épuisement, attaques d'adultes autres que leurs parents) . Il est donc nécessaire d'agir en début de reproduction et, dans l'idéal, 10 à 15 jours après que l'incubation ait commencé.